De la spéléo pour Spélerpès...

Dimanche 9 Avril 2017. 4h45. Le réveil retentit. Je me lève, déterminé. Objectif du jour : la recherche d'une salamandre endémique des Alpes-Maritimes et de la zone Liguro-Piémontaise italienne : la dénommée Spélerpès de Strinati (Speleomantes strinatii). Heureusement, je ne suis pas seul pour cette petite expédition. Je suis accompagné des valeureux soldats Grégoire, Thibaut, Clément, Arthur, Léonard, Tom et Pierre. Plus il y a d'yeux, mieux c'est ! Bref, nous décidons de partir à la conquête de cet Urodèle dans la région de Lucéram, un charmant village provençal dominant le cours d'eau du Paillon.

Le charmant petit village provençal de Lucéram

Comme la plupart des Amphibiens, les salamandres côtoient les milieux humides. Notre chère Spélerpès est une espèce cavernicole, c'est-à-dire qu'elle fréquente les grottes, cavernes, et autres coins où l'hygrométrie est importante. 
Arrivés avant le lever du soleil à Lucéram, nous partons alors à la recherche d'une grotte à la localisation bien précise, une zone où cette espèce de salamandre a déjà été aperçue. 
Cependant, je ne vais pas vous mentir, nous avons mis environ 45 minutes à trouver cette satanée grotte ! Léonard, par hasard, aperçoit le trou dans la roche. Une petite rivière d'eau souterraine en sortait... de l'eau glacée ! Brrr.... Mais bon, nous n'avons pas le choix, gardons en tête que le but de cette sortie est de pouvoir observer l'animal et (si possible) le photographier. Nous ôtons alors nos chaussures, nos vestes et nos pantalons. Lampes frontales allumées. Pour certains, c'est la première fois qu'ils faisaient de la "spéléologie". On entre donc dans la grotte, les yeux écarquillés comme ceux des enfants qui voient leurs cadeaux de Noël au pied du sapin (enfin de l'épicéa...bref). Sur les murs, plus aucun végétal, seulement quelques espèces de grillons dépigmentées. En progressant dans le corridor, la lumière du jour s'amenuise peu à peu. On peut seulement ouïr le ruissellement de l'eau frappant la roche calcaire....et les rires de mes camarades. Bah oui, on ne parvenait pas à être silencieux. On était vraiment tous étonnés de savoir où s'arrêtait ce monde peu commun, si je puis dire. Au bout de quelques mètres, le plafond du gouffre se trouvait de plus en plus bas, le seul moyen de progression était le rampement dans l'eau boueuse. De le pure spéléo'! C'était génial !

La Grotte du Pertus du Drac


L'aventure, la reptation

Les gouttelettes d'eau suspendues au néant...

Cependant, toujours pas de traces de salamandres, malgré les nombreuses petites cavités qui ornementaient le mur rocheux. Mais, on ne perdait pas espoir.
Parvenus au fond de la grotte, Léonard a même plongé l'intégralité de son corps dans l'eau gelée pour vérifier si la suite du gouffre était praticable. En vain. Finalement, nous n'avons pas trouvé l'Amphibien. Seulement des grillons, tiques, araignées, chauves-souris et moisissures. Rien d'alarmant.

On voit ici une araignée quasiment dépigmentée
Une tique
Un orthoptère, visiblement dépigmenté également

Seconde chance amorcée. Cette fois-ci, c'est une ancienne mine d'arsenic que nous cherchons. Nous traversons les jolies ruelles de Lucéram. Nous suivons le cours d'eau du Paillon. Encore une fois, ça n'a pas été tâche facile. Avant d'arriver au lieu-dit, nous avons marché sur les différentes restanques dans lesquelles nous avons croisé des lézards verts. Les mâles avaient leur gorge légèrement bleutée parade nuptiale oblige ! 
C'est finalement l'après-midi que nous avons décidé de progresser, comme le matin-même, dans la mine. L'Arsenic fait partie de la famille chimique des métalloïdes. Étymologiquement, son nom vient du persan, signifiant "jaune". Sous sa forme inorganique (lié à l'oxygène, au soufre et au chlore), l'arsenic est très dangereux. En revanche, sous sa forme organique (chimiquement lié au carbone et à l'hydrogène), il est nécessaire à faible dose. Honnêtement, je ne sais pas si, dans ce cas, nous n'avons pas été prudents. tout ce que je peux dire, c'est que l'exposition a été de courte durée, et il se peut que l'arsenic fut lessivé par les eaux depuis quelques temps. Bref, je suis toujours vivant ! 

L'entrée de cette interminable mine d'arsenic

Ces formes rocheuses calcaires ressemblent aux dents d'un requin

De même que dans la première grotte, nous avons ôté les pantalons et nous sommes partis à la découverte de cette mine. Hélas, encore une fois, pas de salamandre... En revanche, nous avons pu photographier les chauves-souris de très près ! Magique ! Elles se trouvaient à 10 cm de nous, enveloppées dans leurs ailes membraneuses, la tête en bas. Le tunnel était très long, ça n'en finissait pas. Nous ne sommes même pas allés jusqu'au bout, la froideur de l'eau nous en empêchait. Nos pieds se congelaient sur place.
En sortant de la mine, le bain de soleil s'avérait impératif, on devait se réchauffer.


La fin de journée approchait et Spélerpès de Strinati n'a pas pointé une seule fois le bout de son nez ! Fichtre ! Cependant, j'ai une petite anecdote à vous raconter. Nous étions quand-même déçus de ne pas l'avoir vue. Tom nous dit alors : "Trop deg', on nous avait dit qu'on en verrait 20-30...". A ce moment précis, j'ai aperçu derrière lui grimper sur le mur rocheux un animal ressemblant à une salamandre. Je suis quasiment sûr que c'était une salamandre. Pas un lézard. J'ai reconnu sa démarche et sa tête bien plus massive et arrondie. Par-contre, était-ce Spleomantes strinatii ? That is the question ! Le temps que je le réalise, elle s'était déjà cachée dans les feuillages. Trop tard. Nous ne le saurons jamais. 
La prochaine fois, ce sera la bonne, j'espère !

Voilà j'espère que cet article particulier vous a plu ! N'hésitez pas à lâcher un "j'aime". Je tiens à remercier tous mes collègues qui m'ont accompagné dans cette expédition.
Les photos ont été prises par Tom, Pierre et moi.

J'écrirai un article d'ici peu de temps sur le lézard vert et la chauve-souris afin de vous montrer les photos !

A bientôt ! :)

Commentaires

  1. Bonjour,
    j'ai été amusé de voir que, dans la galerie de recherche d'arsenic de Luceram que vous avez visitée, il y a toujours les marques à la peinture rouge orangée, à main droite quand tu entres, que j'ai essayé en 1966 de peindre tous les mètres (ou tout les 5 mètres? je ne me rappelle plus) lorsque, pas encore étudiant de géologie minière, je me suis amusé à faire le plan de cette galerie de recherche. Je te donnerai d'autres infos volontiers... et le plan ! Mais j'imagine que, depuis le temps, les centaines de collectionneurs qui l'ont visitée à ma suite ont du enlever les moindres traces de minerais qui subsistaient à l'époque jeanferaud@free.fr (je précise que j'ai 70 ans et qu'on ne meurt pas d'une exposition de quelques heures ni même de plusieurs jours dans ces souterrains: le risque arsenic est à prendre très au sérieux dans l'alimentation, mais il faut raison garder) !

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  2. Bonjour Monsieur !
    Je suis amusé aussi que cet article ait animé en vous quelques souvenirs ! Volontiers pour le plan pour une prochaine expédition, pourquoi pas !
    Bien cordialement et à bientôt ! :)

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  3. Bonjour,
    La grotte du Drac faisait partie de nos terrains de jeux à l'époque de mon enfance (années 50/60) au grand désespoir des bugadières qui lavaient leur linge au lavoir situé en aval du ruisseau, lavoir aujourd'hui disparu je crois. En effet, en pataugeant dans l'eau (froide) du ruisseau, nous soulevions des nuages de sédiments qui allaient se déverser dans le lavoir. Cela dit, je confirme la présence à cette époque de nombreuses salamandres que nous découvrions dans cette grotte à la lueur des torches que nous confectionnions avec de simples pommes de pin. Elles étaient piquetées de tâches jaune et leurs larges pattes équipées de ventouses.

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