Le troisième sexe

Dans notre société, le troisième sexe qualifie un individu considéré comme n'étant ni mec ni meuf ou étant les deux à la fois. Je vous l'accorde, d'un point de vue purement biologique, cela paraît assez bizarre... Mais, aujourd'hui, ce n'est pas le troisième sexe de Homo sapiens qui m'intéresse mais celui des animaux ! Plus scientifiquement, nous allons nous focaliser sur un phénomène passionnant en biologie du sexe : l'hermaphrodisme !
Une espèce animale (ou végétale) est dite hermaphrodite lorsqu'elle possède à la fois des organes reproducteurs mâles et femelles (ou bien alternativement).
Mais, comment ça fonctionne ? A quoi ça sert d'avoir deux sexes ? Peut-on changer de sexe dans la vie ? Pourquoi ça existe ? Quels organismes ça concerne ?... Bref, dans cet article, on va donc tenter ensemble de répondre à une ribambelle de petites questions !

Chez les organismes à reproduction sexuée, le sexe d'un individu est déterminé par un ensemble de facteurs génétiques, chimiques ou sociaux. On parle bien sûr de déterminisme sexuel.

Depuis vos belles années collégiennes, on vous rabâche que le sexe est notamment déterminé, génétiquement, par les chromosomes présents dans les noyaux des cellules, chez les Eucaryotes. Ces petits éléments sont le support de l'information génétique constitué d'ADN et de protéines (histones* et autres...). Très majoritairement chez les animaux, les chromosomes sont présents en deux exemplaires (on parle de diploïdie), hormis durant la phase méiotique. Et, pour l'une de ces paires, un des chromosomes porte des gènes permettant de passer d'un sexe à l'autre. Et ces systèmes chromosomiques déterministes du sexe sont nombreux et variés. Le système que tout le monde connaît est celui des humains, enfin des Mammifères en général : le système XY. Les femelles possèdent une paire de chromosomes X, ce qui active la formation de voies génitales femelles. En revanche, les mâles possèdent un chromosome X et un chromosome Y.  Sur ce-dernier, le gène SRY, code pour la formation d'une protéine : un facteur de transcription qui induit la différenciation des testicules. 


Chez les oiseaux et d'autres organismes, c'est le système WZ qui détermine le sexe.
Cependant, le sexe n'est pas toujours déterminé génétiquement. Chez certains taxons, il peut dépendre des conditions environnementales. Par exemple, chez la plupart des crocodiles et tortues, la sélection du sexe est thermo-dépendante. Si la température d'incubation est élevée, beaucoup de femelles seront produites, sinon ce sont des mâles !
Bref, il existe une multitude de facteurs qui déterminent le sexe des organismes.

Et chez les hermaphrodites alors ?
De même que chez les espèces gonochoriques, les facteurs de détermination du sexe sont divers.
On distingue plusieurs types d'hermaphrodisme.
Premièrement, l'hermaphrodisme simultané. C'est lorsqu'un organisme porte à la fois des organes reproducteurs mâles et femelles. C'est le cas notamment de plusieurs invertébrés tels que les vers de terre ou les escargots ! Chez ces mollusques pulmonés, deux individus se serrent l'un contre l'autre et se transpercent mutuellement le corps via une sorte de "sabre-gouttière" (que l'on appelle joliment le dard d'amour) qui conduit la semence mâle vers les ovules. C'est la fécondation croisée. Mais pourrait-il s'autoféconder ? Oui, mais le cas est rare. En effet, l'autofécondation ne permet pas le brassage donc la diversité génétique. En fait, les gènes, c'est comme la bière, c'est mieux quand ils sont brassés ! 

On voit bien (en blanc) le dard d'amour

Ensuite, il existe aussi l'hermaphrodisme successif. Comme son nom l'indique, c'est lorsqu'un organisme, au cours de sa vie, est d'abord mâle puis devient femelle (ou l'inverse évidemment tête de linotte !). Alors, je note que les escargots peuvent être hermaphrodites successifs ! En effet, l'organe génital mâle peut être mature avant celui de la femelle. Mais, pas tout le temps...
Vous connaissez probablement le cas des poissons-clowns ! Ces poissons blancs et orange sont caractérisés par un système social bien particulier. En fait, plusieurs individus vivent au sein d'une anémone (avec laquelle ils vivent en symbiose). Les petits, à la naissance, sont tous des mâles immatures. Seul l'individu le plus gros et dominant le groupe est une femelle et s'accouple avec un seul individu mâle sexuellement actif. A la mort de la femelle dominante, le mâle qui était mature sexuellement change de sexe : ses testicules s'avèrent inactives et ses ovaires s'activent. L'un des mâles jusqu'ici inactifs sexuellement devient mature. En fait, dans le mignon dessin animé produit par Disney-Pixar Le Monde de Nemo, la maman de Nemo, qui était donc la femelle dominante du groupe, meurt. Son père devrait normalement alors se transformer en femelle. Ce dernier pourrait ainsi se reproduire salement avec son fils Nemo. Ahlala, Disney, destructeur primaire de notre enfance...
Finalement, l'exemple des Amphiprions (ou poissons-clowns) est un cas de protérandrie : le mâle devient femelle. 


On voit mal mais c'est une orgie de crépidules !
J'ai envie de vous présenter un autre cas de protérandrie assez marrant : celui des crépidules américaines (Crepidula fornicata). Ce sont des mollusques gastéropodes possédant une coquille légèrement spiralée. Souvent, plusieurs individus forment des empilements attachés les uns sur les autres (chaînes). La crépidule femelle située à la base de cet empilement va être fécondée par les autres mâles du dessus allongeant leurs longs pénis. Une fois que madame meurt, le mâle situé juste au-dessus perd son chibre et devient une femelle etc... Bref, une grosse partouze de mollusques ! 


Chez d'autres espèces, mais c'est plus rare, les femelles deviennent des mâles au cours de leur vie.  On parle alors de protogynie. C'est le cas, par exemple, d'un autre poisson, le mérou ! Chez le mérou brun (Epinephelus marginatus). Avant 4 ans, le jeune mérou est asexué. Puis entre 5 et 12 ans, il est femelle. Enfin, jusqu'à la fin de sa vie, il sera mâle.  

Mérou brun ou Mérou de Méditerranée

Cependant, les biologistes ne se sont toujours pas mis d'accord sur les réelles fonctions de l'hermaphrodisme. Du coup, je pense que dans le cas de l'hermaphrodisme simultané, chez certaines espèces chez lesquelles les individus se rencontrent rarement, avoir les deux sexes en même temps pourrait permettre de s'autoféconder et ainsi perpétuer les descendances, sans la peine de trouver un autre partenaire sexuel (une activité coûteuse en énergie). L’hermaphrodisme successif serait avantageux dans certains systèmes sociaux particuliers. En fonction des facteurs sociaux ou écologiques, les individus changent de sexe, leur permettant alors d'améliorer leurs chances de reproduction. 
Chez les espèces hermaphrodites, le sexe d'un individu peut donc être déterminé soit par l'environnement (comme chez le poisson-clown) ou bien génétiquement (comme chez un nématode, Caenorhabditis elegans, chez qui le sexe est déterminé par le système chromosomique XX/X0).   

Voilà j'espère que cet article vous a plu ! Merci de l'avoir lu ! A bientôt sur l'Odyssée Terrestre ! 

Lexique :
- histone : protéines dans le noyau des cellules eucaryotes et dans les Archées permettant de compacter l'ADN. 

Sources
-www.observatoire-biodiversite-bretagne.fr
-www.gireaud.net
-www.britannica.com
-www.youtube.com/watch?v=kMWxuF9YW38
-https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Euhadra_snails_mating.jpg
-www.diconimoz.com/animaux/poisson-clown/
-www.sepanso.org/reserves/invasives/crepidule.php
-www.gastronomiac.com/lexique_culinaire/merou-poisson/

Commentaires

Enregistrer un commentaire