Le Trithémis pourpré, une libellule voyageuse

Depuis le début du XXème siècle, les températures des océans et de l'air ne cessent d'augmenter du fait de l'émission des gaz à effet de serre qui absorbent le rayonnement infra-rouge émis par la surface terrestre et contribuent ainsi à cet effet de serre. On parle évidemment du réchauffement climatique global. Cette augmentation considérable des températures engendrent de nombreuses conséquences, notamment écologiques, sur la biodiversité et les aires de répartition de la faune et de la flore. En effet, le réchauffement climatique provoque le déplacement des espèces, notamment depuis l'équateur vers les pôles et des plaines vers les sommets. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce ne sont pas les individus eux-mêmes qui se déplacent ou qui migrent, plutôt l'aire de répartition qui est modifiée (étendue, rognée, ou simplement déplacée). On définit l'aire de répartition comme une zone d'habitat favorable liée aux conditions climatiques (soleil, eau....) et à la présence de nourriture, le plus souvent. Ainsi, quand la température change, l'aire de répartition se déplace, emportant avec elle certaines espèces animales ou végétales adaptées à ces conditions. 
Cependant, je précise que le réchauffement climatique n'est pas la seule raison à l'origine de ces modifications d'aires de répartition. La destruction de l'habitat par l'Homme ou bien l'arrivée d'espèces envahissantes peuvent aussi provoquer ces dérèglements. 


Aujourd'hui, je vous présente une jolie libellule qui reflète bien ce phénomène : la libellule purpurine ou Trithémis pourpré (Trithemis annulata).
  • Comment reconnaître le Trithémis pourpré ? 
Comme son nom l'indique, la couleur pourpre rosé prédomine au niveau des zones thoracique et abdominale, chez les mâles ! En effet, chez cette espèce, le dimorphisme sexuel est marqué, on distingue ainsi bien le mâle de la femelle, cette dernière présentant des teintes plus jaunâtres.
De plus, nous pouvons noter la couleur de leurs pattes plutôt noire unie. L'abdomen est étroit et les ailes sont pourvues de nervures rouges chez les mâles. Les yeux, quant à eux, sont bicolores (rouges et bleus). 

Libellule purpurine ou Trithémis pourpré (Trithemis annulata), mâle. Lac des Escarcets, Var (83). 

Tiens, je vous présente rarement les mues de libellules dans ce blog. Une mue, ou une exuvie, est l'enveloppe que le corps de l'animal a quittée lors de la métamorphose et qui laisse place à une nouvelle cuticule (ou "peau") toute propre, toute belle ! Un peu comme si vous peliez après un sale coup de soleil ! 
Vous trouverez les mues de libellule accrochées à une tige, une feuille ou un rocher près d'un cours d'eau. Pour reconnaître l'exuvie de Trithemis annulata, observez la dernière petite pointe recourbée dorsale de l'abdomen (autrement appelée épiproctre (à tes souhaits)), cette pointe doit dépasser nettement l'abdomen. De plus, assurez-vous que l'abdomen soit ornée de pointes dorsales formant une crête. Enfin, la tête doit être plutôt arrondie. Voilà, vous pourrez désormais la prélever, la déposer dans un tube et l'exposer fièrement sur votre table de chevet !  

Mue ou exuvie de Trithemis annulata (source : ONEM).


  • Pouvons-nous le confondre avec une autre espèce ? 
Il est rare de pouvoir confondre le Trithemis pourpré avec une autre espèce de libellule. Une erreur possiblement imaginable serait de la mélanger avec le Crocothémis écarlate (Crocothemis erythraea). Ce dernier possède un abdomen large et plutôt de couleur rouge écarlate, comme son nom l'indique. Mais bon, après une observation attentive, la tâche d’identification ne devrait pas être bien compliquée !  

Crocothémis écarlate (Crocothemis erythraea) mâle (Source : INPN). 

  • Où le trouvons-nous ? 
Comme la plupart des libellules, les adultes sont dépendants du milieu aquatique. Ils fréquentent les cours d'eau, les mares, les étangs, les marécages, bref tout ce qui mouille ! Ils pondent ainsi leurs œufs sur des feuilles de plantes aquatiques. Des larves en émergent, et continuent leur développement au fond des eaux stagnantes ou légèrement courantes. C'est là qu'elles peuvent ainsi chasser les petits invertébrés aquatiques.

Venons-en à son aire de répartition, ce qui nous intéresse le plus dans cet article finalement. A l'origine, Trithemis annulata est présente dans la majorité du territoire africain et dans une partie de l'Asie occidentale. Or, nous avons émis précédemment que l'aire de répartition d'une espèce est associée aux conditions physico-chimiques du milieu comme la gamme de température. De ce fait, depuis quelques décennies, son aire de répartition ne cesse de s'étendre vers les latitudes plus au Nord. Voilà son périple...  Trithemis annulata aurait franchi le détroit de Gibraltar en 1975, selon l'ONEM (Observatoire Naturaliste des Écosystèmes Méditerranéens). Elle a ensuite été observée en Andalousie en 1978. Depuis, elle ne cesse de progresser vers le Nord, en longeant les côtes portugaises et espagnoles ou en empruntant les cours d'eau s'enfonçant dans les terres comme le fleuve de l'Ebre au Nord de l'Espagne. Ensuite, certains individus ont été perçus pour la toute première fois en France en 1989 sur l'île de beauté, provenant probablement de l'île voisine, la Sardaigne. Ce n'est qu'en 1994 qu'elle atteint le sol français continental dans les Pyrénées-Orientales (66). Elle conquiert alors plusieurs départements de la moitié sud de la France, jusqu'en Charentes-Maritime (17) en 2005 ! Ainsi, vous pourrez voir voler cette jolie libellule d'Avril à Novembre ! 

Lac des Escarcets, Var (83). Type de milieu fréquenté par T. annulata

Même si la température moyenne a augmenté dans l'Hémisphère Nord, nous constatons une très grande capacité d'adaptation de cette libellule au climat tempéré. Le Trithémis pourpré est parvenu à coloniser de nouvelles régions, des biotopes variés (des simples cours d'eau jusqu'aux gravières en passant par les mares et tourbières). De ce fait, il est important de noter que la moindre observation naturaliste apporte une grande précision sur la répartition de cette espèce. N'hésitez pas alors, si c'est le cas, à déposer une observation sur les plateformes naturalistes mises en ligne (comme Faune LR ou Faune PACA, l'Observatoire Naturaliste du Gard etc...). Chaque petite observation d'un individu vivant ou mort, d'une mue, d'une larve, d'un œuf contribue à étoffer nos connaissances sur l'espèce, sa répartition, sa phénologie* et à rendre plus pertinentes les analyses statistiques. Bref agissez les amis ! 

Trithemis annulata

Une autre libellule, également d'origine africaine, a été observée pour la première fois en France, dans le département de l'Aude en 2017, venue d'Espagne où elle a été vue pour la première fois dans la région de Murcie en 2012. Elle s'appelle Trithemis kirbyi. Là aussi, il est important de suivre l'évolution du déplacement de son aire de répartition. A vos carnets ! 

Trithemis kirbyi, à Aguilas en Espagne, en 2015 (Photo : Pélissié M.)


Voilà, j'espère que ce petit article vous a intéressés ! N'hésitez pas à le partager via les réseaux sociaux si vous l'avez apprécié. Quant à moi, je vous dis à bientôt sur l'Odyssée Terrestre !
Je remercie Mathieu pour quelques précisions apportées à cet article ! :) 


Lexique :
- phénologie : Etude de l'apparition d'événements périodiques dans le monde vivant déterminée par les variations saisonnières du climat. Par exemple, ici, nous pouvons étudier les observations de cette libellule en fonction des mois et saisons.

Sources
HENTZ J-L, DELIRY C. & BERNIER C. (2011). Libellules de France, guide photographique des imagos de France métropolitaine. Gard Nature/GRPLS, Beaucaire, 200 pp.
- www.onem-france.org
- inpn.mnhn.fr
- pour certaines définitions, Wikipedia fait l'affaire ;)
- photo du lac des Escarcets (www.coeurduvartourisme.com)

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