Peut-on sauver ce beau papillon ?

Salutations à vous amis lecteurs ! Cet article est un peu particulier et très court. Je voulais vous présenter une synthèse bibliographique que j'ai effectuée en cours, et que je trouvais intéressante à partager sur le blog. Nous devions traiter et résumer un sujet en lien avec mon master. Seule une page (bibliographies incluses) de rédaction était autorisée. De même, nous devions nous baser simplement sur 5 articles. Bonne lecture à vous !

Menaces et conservation du cuivré de la bistorte (Lycaena helle)

Le Cuivré de la bistorte (Lycaena helle) est un papillon de jour eurasien de la famille des Lycaenidae. Ses populations ont drastiquement diminué au cours des dernières décennies sur l'ensemble du continent (Habel et al. 2011). Cette diminution des effectifs est due principalement au réchauffement climatique post-glaciaire (lui-même accentué par les activités humaines), à l’abandon de la gestion traditionnelle des prairies et à la fragmentation de ses habitats. 

Le Cuivré de la bistorte (Lycaena helle)
Certaines études ont tenté de mieux comprendre les origines de ce déclin. Durant le réchauffement post-glaciaire, la distribution géographique de L. helle, affectionnant les milieux froids, s’est progressivement réduite. L’augmentation de la température dans les plaines d’Eurasie explique le déplacement de son aire de répartition vers les altitudes plus élevées et son isolement dans plusieurs massifs montagneux (Habel et al. 2011). L’isolement de ces populations à travers les différents massifs montagneux européens et asiatiques pourrait engendrer une diminution de la richesse allélique* et, à terme, une érosion de la variabilité génétique*, comme l’ont montré Habel et ses collaborateurs (2010) dans leur étude. La dérive génétique* est, en effet, plus importante au sein de populations à faible effectif.
 
Le réchauffement climatique n’est pas la seule cause de ce fort déclin populationnel. La fragmentation des milieux fréquentés par L. helle, due par exemple aux activités humaines, en est également une. En effet, plusieurs facteurs exercent un fort impact sur la densité des populations du Cuivré de la Bistorte. Nabielec et ses collaborateurs (2015) ont montré que les superficies des parcelles fréquentées par L. helle ainsi que la hauteur de la végétation les composant influencent les densités des populations. Les résultats ont démontré que la superficie de la parcelle et la hauteur de la végétation expliquent respectivement 24,4 % et 20,2 % de la variation de l’indice de densité de population. A l’inverse des parcelles étendues, les plus petits terrains subissent une émigration des individus, rendant alors difficile la recherche d’un partenaire sexuel et, par conséquent, entraînant une disparition progressive des populations. Or, la capacité de dispersion de L. helle entre patchs* voisins étant faible, les populations très isolées sont condamnées à disparaître (Fischer et al. 1999). Du fait de la réduction des landes naturelles en Europe, certaines populations affectionnent des milieux plus ou moins anthropisés, telles que des prairies humides abandonnées. Cette espèce étant sensible au fort taux de renouvellement  de l’habitat, il semble compliqué de conserver de telles populations au sein de milieux urbains éphémères (Fischer et al. 1999). 

Face à un tel déclin, des actions de conservation sont alors nécessaires.  Déjà, il s’avère primordial d’améliorer ou conserver la qualité d’habitat de certains milieux, notamment les grandes parcelles composées de bistortes (sa plante-hôte*) et d’une végétation suffisamment haute pour protéger les papillons des intempéries (Nabielec et al. 2015). Ensuite, afin d’améliorer la connectivité et le mélange de population entre patchs faiblement distants, certaines études optent pour le fauchage ou bien le pâturage à la fin de l’été suivant la nymphose*, évitant donc la fermeture progressive des milieux qui entraverait le déplacement des papillons. Ces méthodes, à programmer avec les agriculteurs, permettraient de réduire la dérive génétique et, à terme, de sauver de l’extinction certaines populations. C’est ce que Fischer et ses collaborateurs (1999) conçoivent dans leur étude en Allemagne, optant pour une distance optimale entre patchs de quelques centaines de mètres seulement. Enfin, concentrer des actions de gestion sur cette espèce permettrait de protéger de plus amples étendues de zones humides, entraînant alors la conservation d’autres espèces animales ou végétales. On dit de Lycaena helle qu'elle est une espèce-parapluie (Sawchik et al. 2005). Actuellement, le Cuivré de la bistorte fait partie des papillons les plus menacés d’Europe, justifiant sa présence dans les annexes de la directive « Habitats » (Van Helsdingen et al. 1996 in Nabielec et al. 2015).

Exemple de brûlage pour lutter contre la fermeture des milieux et pour favoriser le déplacement des papillons d'un patch à l'autre
Voilà, j'espère que ce petit article vous a intéressés, merci à vous de l'avoir lu ! Je tiens à préciser que les termes en gras, les astérisques, les définitions et les photos ont été rajoutés exclusivement pour le blog mais étaient absents initialement. 

A bientôt sur l'Odyssée Terrestre !

Lexique
- richesse allélique : c'est le nombre d'allèles que l'on retrouve dans l'ensemble de la population. Par exemple, le nombre d'allèles "couleur bleue des yeux" au sein d'une population d'hommes. Ainsi, plus il y a d'allèles, plus la richesse allélique, et donc, les différences entre individus sont importantes !
- variabilité génétique : différences existant entre les individus d'une même population.
- dérive génétique : c'est tout bêtement la variation aléatoire des fréquences alléliques au cours du temps. Explications. Dans la population, certains allèles vont persister (càd être transmis d'une génération à l'autre) tandis que d'autres vont s'éteindre (par exemple des allèles délétères provoquant une maladie létale). Ainsi, après l'isolement d'une population, plus cette dernière sera petite, plus la dérive sera importante. Cela peut mener à un appauvrissement génétique au sein de la population (par exemple passer de 5 à 1 allèle !) et à sa disparition, comme c'est le cas de quelques populations de Cuivrés de la bistorte...
- patch : en général, c'est un micro-habitat abritant une sous-population. Ainsi, dans une population, il peut y avoir plusieurs petites sous-populations vivant dans patchs voisins interagissant entre eux !
- plante-hôte : c'est une espèce de plante dans laquelle un papillon spécifiquement y pond ses œufs, les larves (les chenilles) se nourrissant exclusivement de cette plante.
- nymphose : période pendant laquelle s'opère la transformation d'une chenille en papillon dans sa chrysalide ! 


Bibliographie

- Fischer Klaus, Beinlich Burkhard and Plachter Harald, 1999. « Population Structure, Mobility and Habitat Preferences of the Violet  Copper Lycaena Helle (Lepidoptera: Lycaenidae) in Western Germany: Implications for Conservation ». Journal of Insect  Conservation, 3 : 43-52. 

- Habel Jan Christian, Schmitt Thomas, Meyer Marc, Finger Aline, Rodder Dennis, Assmann Thorsten and Zachos Franck  Emmanuel, 2010. « Biogeography meets conservation: the genetic structure of the endangered lycaenid butterfly Lycaena  helle ». Biological Journal of the Linnean Society, 101 : 155-168. 

- Habel Jan Christian, Rodder Dennis, Schmitt Thomas and Neves Gabriel, 2011. « Global warming will affect the genetic diversity  and uniqueness of Lycaena helle populations ». Global Change Biology, 17 : 194-205.

-Nabielec Joanna & Nowicki Piotr, 2015. « Drivers of local densities of endangered Lycaena helle butterflies in a fragmented  landscape ». Population Ecology, 57 : 649-656.

- Sawchik Javier, Dufrêne Marc and Lebrun Philippe, 2005. « Distribution patterns and indicator species of butterfly assemblages of wet  meadows in southern Belgium ». Belgian Journal of Zoology, 135 : 43-52.

Photos :
- lepinet.fr
- www.risque-incendie.com

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