Verte, lisse et grimpeuse : qui suis-je ?

Ne faisons pas durer le suspense plus longtemps, je suppose que vous mourrez d'envie de savoir qui se cache derrière cette devinette ! Ce titre pourrait cacher l'identité de plusieurs animaux à la fois mais, aujourd'hui, je vous présente la rainette méridionale (Hyla meridionalis). 


Les rainettes (ressemblant aux grenouilles) regroupent plusieurs espèces de différents genres souvent vertes et possédant généralement des ventouses à l'extrémité des doigts. En France, on compte 4 espèces de rainettes appartenant au même genre Hyla : Hyla arborea, H. meridionalis (les 2 plus communes), H. molleri (dans le Sud-Ouest de la France) et H. sarda (en Corse). 

La rainette méridionale (H. meridionalis) se distingue par la présence d'une bande noire latérale entre l’œil et la patte antérieure. Elle ne doit pas être confondue avec sa cousine, la rainette verte (H. arborea) qui, elle, présente la même bande noire se prolongeant, cette fois-ci, le long du flanc jusqu'au niveau de la patte postérieure. Il est même possible de croiser des individus à la peau bleue, expliquant la perte du pigment jaune (eh ouais, car jaune + bleu = vert. La peinture, c'est aussi facile que dire bonjour).



La rainette méridionale affectionne les milieux humides, buissonnants et ensoleillés. Très héliophile, elle se réchauffe le matin accrochée à une tige ou une feuille. En période de reproduction (entre Avril et début Juillet), certains individus sont de couleur très sombre. C'est durant cette période que les mâles se rassemblent et chantent pour attirer les femelles à l'aide de leurs sacs vocaux qui se gonflent et se dégonflent. Quand le mâle trouve la femelle, se déroule alors un drôle de phénomène de copulation spécifique aux batraciens : l'amplexus. Le mâle s'accroche à la femelle qui se retrouve "obligée" de déposer ses ovocytes au fond d'une mare temporaire sur la végétation aquatique. Le mâle peut ensuite les recouvrir de sa semence. Les œufs donnent évidemment naissance à des têtards ayant un mode de vie aquatique et qui se transforment en rainettes adultes ayant un mode de vie semi-aquatique ! A l'âge de deux ans, les rainettes se détachent partiellement du milieu aquatique et ne tardent pas à passer la plupart de leur temps sur les arbustes et les arbres. Puis le cycle recommence... 

Zone favorable à la rainette méridionale

D'ailleurs, comment ces animaux parviennent-ils à s’agripper aux arbres ? Figurez-vous que les rainettes sont les seuls amphibiens à mode de vie arboricole en Europe ! Aux extrémités, leurs doigts sont pourvus de petites ventouses circulaires adhésives. Les cellules de l'épiderme sécrètent une substance visqueuse à base d'eau et sont pourvues de protubérances nanométriques. Ces toutes petites petites petites bosses empêchent l'épuisement des propriétés adhésives des doigts (à l'inverse d'un morceau de ruban adhésif qui ne colle plus à partir de quelques utilisations...). Enfin, leurs doigts opposables leur permettent aussi de s'accrocher aux tiges. Si j'avais un appareil capable de zoomer à fond sur ces structures, j'aurais tellement aimé vous montrer les clichés !

La forme sombre que l'on peut rencontrer...

Concernant sa répartition, vous pouvez croiser la rainette méridionale à l'Ouest du bassin méditerranéen. Deux grands noyaux de populations existent : l'un englobant une petite partie du Nord-Ouest de l'Italie, le Sud de la France, l'Espagne et le Portugal. Le second noyau rassemble plutôt les régions au nord du Maghreb.  La rainette méridionale a également été introduite par l'Homme sur les îles espagnoles des Canaries et de Minorque.
En 2007, un article est paru et avait pour objectif d'en apprendre un peu plus sur les processus qui ont régi la distribution de cette espèce d'amphibien et la variabilité génétique* rencontrée au sein des populations. Les auteurs des travaux ont donc analysé principalement les séquences d'un gène mitochondrial, la cytochrome oxydase (cette protéine est souvent utilisée pour tenter de connaître les origines géographiques des espèces). Les résultats mettent en avant la présence de groupes bien différenciés : l'un au sud-ouest de la péninsule ibérique et dans le Haut-Atlas (groupe A) ; le second dans les montagnes du Moyen-Atlas (groupe B) et le troisième est localisé au Nord du Maroc, au sud-est de la péninsule ibérique, au sud de la France et aux Canaries (groupe C). Quant aux populations de Tunisie, leurs séquences ADN sont très différentes de celles des groupes cités précédemment, ce qui suggère que la division entre les populations tunisiennes et marocaines est ancienne. Les travaux démontrent aussi que deux phases de colonisation très récentes (non datées) du sud-ouest de l'Europe ont eu lieu à partir du Maroc. La première vague de colonisation aurait impliqué des populations du Nord du Maroc jusqu'à la France (groupe C) et la seconde phase concernerait la migration d'individus depuis les côtes occidentales du Maroc jusqu'à la péninsule ibérique (groupe A). Le transport humain serait une explication fort probable pour au moins l'un de ces événements, même si le transport naturel à travers la mer Méditerranée n'est pas à exclure (les individus dérivent sur des bois flottés par exemple...). La diversité génétique observée au Maroc s'explique par les conditions climatiques qui ont touché la région durant le Pléistocène, une période très aride. Les populations de rainettes se sont donc réfugiées dans les montagnes plus humides de l'Atlas et ont divergé génétiquement des autres populations. Puis, quand la température s'est radoucie et les milieux sont redevenus moins secs, les populations ont recolonisé les plaines du Nord du Maroc. N'est-ce pas passionnant ?



Se trouvant sur les listes rouges mondiale, européenne et nationale, la rainette méridionale est strictement protégée sur le territoire, comme tous les amphibiens et reptiles de France. Il est donc interdit de la capturer, s'en emparer, la tuer, détruire son milieu naturel, tuer les têtards ou bien exterminer les œufs.



Avant d'en terminer, je précise que j'ai pris ces photos dans le massif des Maures, dans le Var. Les animaux n'ont en aucun cas été dérangés ou manipulés.
Voilà, j'espère que ce petit article mêlant biologie et écologie de l'espèce vous a plu, merci de votre visite et à bientôt sur l'Odyssée Terrestre ! 

Lexique :
- variabilité génétique : quand la variabilité génétique est grande au sein d'une population, cela signifie que la composition génétique (les séquences ADN) varie entre individus de cette population. En gros, ils diffèrent génétiquement.

Sources :

Recuero, E., Iraola, A., Rubio, X., Machordom, A., & García‐París, M. (2007). Mitochondrial differentiation and biogeography of Hyla meridionalis (Anura: Hylidae): an unusual phylogeographical pattern. Journal of Biogeography34(7), 1207-1219.
inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/292

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